« Marine Ducroux-Gazio is a French artist whose practice navigates the intersection of sculpture, video, and installation to explore the loss of magic in a rationalized world. Deeply influenced by tales, mythologies, and collective imagination, she examines how industrialization and capitalist logic have stripped the world of its enchantment, severing our connection to the non-human and the unseen.

Her work unfolds through sculptural gestures and moving images, creating narratives that reintroduce wonder and ambiguity. Drawing from literature and cinema, she revisits archetypal figures and forgotten rituals, seeking to reawaken sensitivity to the world’s hidden rhythms. Sustainability is embedded in her approach, not only in material choices but in her belief that imagination is a form of care—a way to resist disappearance. Through her work, she invites viewers into a space where myth and matter intertwine, offering an alternative to the accelerating loss of meaning in contemporary life.»

  Texte de présentation, Coco (Quinn Athapap) Maxwell, Atha Artist Stories, 2025

 

“Afin de fonder une nouvelle cité, la future reine fourmi se défait de ses ailes avant de creuser la terre. Posées, sur le sol, les ailes en bois délicatement polies de Marine Ducroux-Gazio (Of desire, 2023) font écho à ce geste fondateur: tomber du ciel pour entrer dans les profondeurs. Au sein des boîtes en cartons gravées par l’artiste d’alvéoles et d’empruntes digitales (Les Veilleuses, 2024) des lumières dorées se font l’indice de leur vie intérieure, qui s’organise en réseau dans des formes de cités modulaires (…)”

Violette Morisseau, texte de l’exposition D’une goutte de rosée, 2024

“Les sculptures, installations ou vidéos de Marine Ducroux-Gazio s’imprègnent librement de réflexions contemporaines, qu'elles soient philosophiques, sociologiques ou écologiques. Explorer l'interdépendance entre les êtres vivants et les systèmes naturels ; prendre en considération les limites de l'humain ; s'intéresser aux conséquences psychologiques et émotionnelles du changement climatique ; comprendre la nécessité de développer de nouvelles formes de relations avec le monde naturel… La science-fiction s’entremêle à l'écopoésie. Le rêve s’infiltre dans la réalité. Point d’équilibre aux limites poreuses. Les cheminements, qu’ils soient physiques ou mentaux, sont fluides. Rien n’est imposé. L’artiste suggère plus qu'elle n'énonce explicitement, laissant place à l'interprétation. Rien n’est figé. Par l’allusion, elle fait appel à notre propre sensibilité.

Marine Ducroux-Gazio nous offre la possibilité de tisser nos propres liens et d’en dénouer d’autres. Comme elle nous le rappelle à travers l’ensemble Chaos’Theory, un changement dans les conditions de départ d'un système, aussi minime qu’un battement d’ailes de papillon, peut entraîner des évolutions très différentes. La tendresse d’un geste, la chaleur d’un moment peuvent avoir des répercussions tout aussi significatives.

Des pistes, plus que des clés, sont ainsi égrenées par Marine Ducroux-Gazio pour repenser notre place dans le monde, non pas en tant qu'individus isolés, mais comme partie prenante d'un réseau d'interrelations qui passent par les sensations, les échanges de matière et d’énergie, et la cohabitation avec les autres entités vivantes. “

Leïla Simon, texte de présentation pour la Biennale de la jeune création de Nantes, 2024

“« Je déambule lentement parmi les collines à la recherche du repos. Face à la mer, je m’appuie sur un rocher et j’y trouve refuge. Je ferme les yeux et laisse le soleil caresser mon visage.
Puis, malgré la fatigue, je commence à charmer mes ami·es au son tendre de ma clarinette –
les fourmis,les mouettes, le soleil... Et ma sœur, la perruche à l’aile cassée. On la caresse avec attention, on la soigne. Elle ne vole plus. Tombée sous la chaleur du soleil qui fait fondre la cire. Chaleur insupportable. Je sors de mes poches un coquillage déformé par les vagues, des morceaux de céramique rejetés par la mer, des pièces de monnaie dont la couleur cuivrée rappelle des petites billes-aimants que je jette à côté. Elles pesaient dans mes poches. Je me débarrasse de ce poids, de cette charge magnétique qui m’envoûte. Et puis, tous ces objets disparaissent dans le gris du ciel. Seule une carte postale garde la trace de leurs histoires éphémères.

Mes semelles brûlent. Un cylindre spatial les a envahi. Il a laissé son empreinte sur mes pieds rouges de fatigue. Je m’arrête. J’aperçois au loin une silhouette accroupie. Telle une abeille, elle tisse une alvéole de cuivre. Ses gestes minutieux me fascinent. Le temps passe, elle tisse, je me repose. Les gouttes de cire tombent une par une sur le sable ardent. La chaleur appelle les insectes, dont le bourdonnement m’obsède. Des scarabées surdimensionnés grimpent sur le caisson qui emprisonne le soleil. Sous les rayons puissants de l’étoile, leurs carapaces brillantes deviennent translucides, teintées par la cire.

(...) Encore une interruption. La zone a peut-être coupé les ondes (...) Blanc poli, les angles obtus de ses pattes se reflètent sur la surface métallique qui le supporte. Là, il se contemple et s’imagine glisser le long des cheveux de cuivre. Sagement, il écoute les basses fréquences des murmures dont il ne connaît pas la source. En contrebas, des poids cosmiques viennent de tomber du ciel en pluie d’argent. Toute la surface du paysage qui s’étend devant lui en est recouverte. Leur aura brille légèrement par séquence, au rythme de la bougie qui ne s’éteint pas, soleil de l’aube ou du couchant.

Du sol, une paire de jumelles regarde le ciel en cherchant la provenance de leur chute. Le soleil brûlerait sa rétine sans ce prisme. Il fait une chaleur écrasante. Le mauve des éléments du paysage vient troubler l’aridité de la scène, apaise pour un temps la réponse du soleil.
De cette chute demeurent quelques vestiges. Un avion de papier s’est délicatement posé au-dessus d’une mer grise. Son ressac chante en polyphonie avec la musique silencieuse qui, maintenant qu’on peut s’en apercevoir, sort de ces petites oreilles invisibles, placées en équilibre sur les échelles d’acier. Icare ramasse ses ailes d’oiseaux, regarde l’étendue des ruines et s’envole dans les nœuds du bois. Il a terminé son voyage. Le petit matin a laissé sur la table de chevet une aile, minuscule et blanche, comme une plume d’oreiller, mémoire de cette promenade mentale.»

texte d’Alice de Maillard et d’Anna Koch pour le catalogue de l’exposition Semblable à un petit os de seiche, BétonSalon, 2023